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Quant aux paysans, ses anciens bienfaiteurs, elle leur disait bonjour, quand elle était en belle humeur, et même, elle leur tendait parfois sa boîte d’argent qui avait la forme des tabatières en corne du pays.

Pensez-vous qu’il en faille beaucoup davantage pour conquérir une solide popularité ?

Autour de la tête brutale et vulgaire qui surmontait le gros corps de la Goret, il y avait des rayons d’or. Elle était adorée, à la façon des divinités qu’on déteste.

Les jalousies respectueuses qui l’environnaient s’élevaient à la hauteur de Pélion, entassé sur Ossa.

Mais comment s’était faite et agglomérée cette fortune prodigieuse dont nul ne connaissait bien le chiffre et à laquelle les poètes du canton prêtaient des proportions extravagantes ?

C’est simple et c’est éternel : aussi simple que la fondation de n’importe quel empire ou de n’importe quel comptoir monumental.

Il faut d’abord un conquérant, un homme de génie, qui de rien fasse quelque chose : Romulus ou le premier Rothschild.

Il faut ensuite des successeurs prudents et âpres à la besogne : Non point Charles-le-Chauve ou Louis-le-Débonnaire ; c’est trop descendre, mais non plus des hommes d’initiative.

Tibère n’est pas mauvais, quand César a bien commencé et Auguste pompeusement achevé.

Le conquérant avait nom Mathau Goret.

Il était valet du chenil chez M. Gobert des Nouettes, ancien fermier des sels, retiré aux