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classes sociales une bruyante et ardente fermentation. Le pouvoir comptait peu d’amis.

» — Qu’est-ce que c’est que ce petit bonhomme ? demanda le fonctionnaire.

» — Un gentilhomme ruiné, répondit M. V…, le jeune Labre… un petit lion !

» — Qui lui donnerez-vous pour le soutenir ?

» — Personne.

» — Et que fera-t-on pour lui, s’il réussit, comme nous le voulons, sans scandale et sans bruit ?

» — Rien. C’est un instrument, ni plus ni moins, répliqua M. V… Quand je prête un instrument, je veux bien qu’on s’en serve, mais je ne veux pas qu’on me le gâte.

» Cette conversation m’a été répétée textuellement par le général que j’allai voir dans sa prison, et dont je suis devenu l’ami. Cela m’étonne, car tu sais déjà que je l’arrêtai et qu’il est encore prisonnier à cette heure. Sois tranquille : je meurs homme de cœur et d’honneur.

» Il y avait juste cinq mois que M. V…, ou M. Charles, me comptait deux louis par semaine pour ne rien faire. Je l’avais vu rarement.

» M. Lecoq, qui m’avait adressé à lui, et qui a exercé une si grande influence sur la destinée de ma mère, m’était totalement inconnu. Notre mère était mystérieuse de caractère, et je crois qu’elle avait vaguement conscience de ce fait que M. Lecoq était l’auteur de sa ruine, mais elle se confiait à lui tout de même. Seulement, elle avait honte.

» Pour moi, M. Lecoq et M. Charles étaient deux « hommes d’affaires », tenant chacun une agence de renseignements pour le com-