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Qui était cette Mathurine Hébrard ? On vint aux informations. Il n’y avait qu’une Mathurine Hébrard.

Mais comme on s’amusa, les premiers jours, des quatre cent mille livres de rentes de la bonne femme !

La bonne femme qui avait laissé son mari aller en terre, faute d’une médecine de quinze sous ! La bonne femme qui avait haché la main droite de son petit gars pour qu’il restât à lui biner son étroit carré de pommes de terre !

Ah ! c’était trop drôle aussi, les gars et les filles en riaient tout le long des chemins en se tapant mutuellement dans le dos à grands coups de poing pour se témoigner leur tendresse.

C’était bien elle, pourtant, madegoy ! c’était bien Mathurine qui était la rentière de ces rentes.

On mit huit jours à se fourrer cela dans la tête.

Une fois que cela fut dans les têtes, les choses changèrent comme par enchantement. Il ne s’agit pas de plaisanter avec l’argent. Le pays s’agenouilla devant Mathurine.

Et Mathurine se redressa du même coup.

Ceci et cela tout naturellement, sans bassesse d’un côté, sans faste de l’autre.

L’argent est Dieu. Les choses de la religion gardent toujours une certaine tournure simple et grande.

Mathurine s’habilla de neuf des pieds à la tête et donna des souliers à son vilain gars qui fuma du tabac de la régie dans une pipe à couvercle de cuivre, comme les huppés de la foire. Ce fut pour lui le bon temps.