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gnard, un peu compromis par les révélations des observateurs modernes, qui semblent avoir regardé l’homme des champs de très près et à un autre point de vue.

Je suis bien sûr qu’il y eut jadis une Arcadie où les bergers paresseux se renvoyaient, au flageolet, les adorables distiques du poète. Ces bergers, vivant de châtaignes et de lait, avaient des mœurs blanches comme un fromage à la crème.

J’ai vu de mes yeux les choses que je vais dire, sans intention aucune d’insulter l’Arcadie ni d’amoindrir les mérites du généreux villageois de Jules Sandeau.

Mathurine Hébrard, née Goret, et qu’on appelait dans le pays « la Goret », était une paysanne du hameau des Nouettes, en la paroisse de Mortefontaine, qui possédait, en 1838, environ deux millions cinq cent mille francs de revenus, en terres, au soleil, sans compter une masse véritablement énorme de valeurs mobilières.

Elle savait lire sa messe et signer son nom à peu près.

Il y avait à peine cinq ou six ans que ses plus proches voisins avaient deviné, non pas sa fortune invraisemblable, mais une humble aisance dont elle avait laissé sourdre les symptômes après le décès de son mari.

Son mari était mort dans une misère noire. Il ramassait habituellement du crottin sur les grandes routes et faisait à pied le chemin de La Ferté pour y vendre des hottées de dix sous.

Les gens du voisinage lui envoyaient du bouillon et du pain ; jamais on ne l’avait vu rien dépenser, même au cabaret, et pourtant, certains disaient qu’on l’avait trouvé