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les unes des autres, dans un complet mutisme.

L’une d’elles lisait un livre abondamment souillé et qui portait l’estampille du cabinet de lecture.

Deux autres dormaient, la tête appuyée sur leurs mains, auprès de leurs carafons vides.

Une quatrième, vêtue de haillons, comptait des sous dans un sac de toile.

L’avant-dernière était une femme encore jeune et belle qui pleurait.

La dernière avait une figure osseuse et sèche, dont le profil parlait de noblesse. Elle portait une vieille robe de soie noire très propre et ses cheveux gris étaient lissés avec soin sous un antique chapeau de velours.

Joseph Moynet, le cabaretier, l’appelait Madame la marquise, et cela faisait sourire parfois tous ces êtres qui ne souriaient plus.

Pistolet alla s’asseoir à une table vide entre la marquise et l’escalier.

On le regarda passer.

Les quatre commères dirent :

— C’est une nouvelle.

— Un demi-litre de marc, dit Pistolet en s’asseyant.

Il y eut un mouvement, un effet, comme on dit au théâtre.

Une des joueuses de dominos grommela :

— Paraît qu’elle a du fond, la nouvelle : un demi-litre du premier coup !

Le cabaretier servit et tendit la main.

On payait d’avance.

Pistolet lui donna le prix juste de l’eau-de-vie de marc, après quoi, il but coup sur coup trois verres, sans se presser, avec méthode.

— Elle fait par trois, dit encore la joueuse.

C’est déjà joli. Néanmoins, il y en a qui