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soldats russes, avant d’avoir chancelé.

Elles sont d’une politesse affectée, réclamant à tout propos la considération due à leur sexe ; elles ont des prétentions aux belles manières ; on ne sait jamais d’où elles viennent, mais elles disent toutes venir de haut.

C’est quelque chose de froid et de résolu, qu’on prendrait pour une mortelle médication. Elles entonnent la ruine alcoolique comme les baigneuses, dans les villes d’eaux, affrontent les rudes émanations de la piscine, — ou mieux encore comme les Chinois fument l’opium.

Leur ivresse est sépulcrale, mais elle n’a peut-être pas les dégradations de l’autre ivresse. Elles savent où elles vont. Et qui pourrait dire quelles souffrances elles essayent de tuer ainsi dans l’abrutissement ?

J’ai plus réfléchi et plus rêvé à l’aspect de ces terribles femmes qu’en visitant les asiles de l’Angleterre, cette morne patrie de la démence furieuse.

Parmi les deuils mystérieux, cachés sous le manteau bariolé de notre civilisation, celui-ci est le plus étrange peut-être, et assurément le plus noir.

Pistolet connaissait tout cela et Pistolet ne s’étonnait jamais de rien. Son premier coup d’œil traça le plan de la cave et trouva le second escalier qui devait communiquer avec l’allée, entrée ordinaire de cet enfer.

Au-delà de l’escalier, il y avait une petite porte à laquelle Pistolet jeta une rapide œillade. Cette porte était fermée.

La cave contenait une douzaine de femmes, dont quatre étaient groupées et causaient en prenant du punch.

Deux autres jouaient aux dominos le prix d’un carafon de rhum.

Les six restantes étaient assises assez loin