Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ticulièrement philosophiques, mais il fit grande attention à ces trois ou quatre femmes qui venaient de passer le seuil du cabaret.

Il connaissait son Paris sur le bout du doigt. Ces trois ou quatre femmes portaient le même cachet de tristesse et de dégradation : une tristesse à part, une dégradation sui generis.

Le plan de Pistolet était tracé, avant même que le vieillard au garde-vue eût conclu son marché de salade.

Ce n’était pas du dehors qu’il fallait voir cette maison muette et noire, il s’agissait d’en franchir le seuil à tout prix.

Le bonhomme marchandait toujours ; Pistolet, impatient, l’envoyait au diable de bon cœur lorsqu’il crut entendre sa voix chevrotante se raffermir tout à coup dans un accès de colère.

— Ma grosse, disait le vieillard à la marchande, il y en a de plus huppées que toi qui fréquentent mon établissement.

— De quoi ! de quoi ! vieux Rodrigue, ripostait la vaillante Clémentine, faut-il appeler un sergent de ville pour qu’on fouille ta caverne ? Où as-tu mis le fils de ce monsieur et de cette dame que tu as détourné ? Si tu ne vas pas te cacher, je fais une émeute à ta porte, voleur d’enfants ! traître ! tyran ! vampire !

Elle repoussa en même temps le bonhomme qui recula d’un pas et se trouva en face des trous de vrille.

La visière verte de son garde-vue s’était un peu dérangée ; le regard de Pistolet glissa dessous.

Il oublia sa position et fit un tel soubresaut que l’échafaudage de légumes chancela comme une maison tourmentée par un tremblement de terre.

Clémentine se mit à rire bruyamment et