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Licher, dans nos faubourgs, veut dire : être gourmand. Ce verbe s’applique surtout aux femmes. L’adjectif Licheuse est éminemment parisien et désigne souvent, parmi les ouvriers, une jeune personne prédisposée à ne point assez mouiller son vin.

Employé euphémiquement, il stigmatise celles qui, allant déjà plus loin, ont été surprises en flagrant délit de gaîté trop violente.

Il est d’usage d’affirmer que Paris reste à l’abri de cette grande honte, l’ivrognerie des femmes. Je ne voudrais pas contredire une si consolante affirmation.

Cependant, je connais dans Paris plusieurs licheries (licherie étant pris dans son sens technique qui désigne un cabaret spécial aux femmes) dont les maîtres font un chiffre d’affaires fort important.

La mode de l’absinthe a donné un élan à cet effrayant commerce.

Naguère encore, dans la rue du Rempart, détruite par le dégagement du Théâtre-Français, il existait une licherie où l’on faisait fortune en quatre ans, régulièrement, comme au bureau de tabac de la Civette.

Et je déclare que l’intérieur de cette licherie offrait un des spectacles les plus curieux et les plus navrants qu’il soit donné à un observateur de surprendre.

Il y avait là des lâcheuses sombres qui s’enivraient résolument chaque jour, buvant en dix minutes ce qu’il leur fallait, — et qu’on n’avait jamais entendu prononcer une parole.

Chez la femme, cette passion a presque toujours couleur de folie et ressemble parfois à la manie du suicide.

Je ne sais pas si Pistolet avait à l’égard de cette lèpre, endémique à Londres et que Paris nous paraît gagner lentement, des idées par-