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être un déguisement, mais il était bien difficile de feindre cette décrépitude.

Le vieillard descendit les deux marches qui étaient au-devant de la porte et s’approcha de la charrette pour tâter les salades.

Pistolet cessa de le voir parce que, désormais, il était trop près.

Mais il l’entendit qui disait à une femme entrant dans le cabaret :

— Bonjour madame Mahuzé, vous êtes en retard aujourd’hui.

Ce n’était pas la voix du marchef.

Mme Mahuzé avait cette tournure indéfinissable et souverainement malheureuse de la femme qui boit. C’est assez rare dans nos mœurs ; du moins, cela passe pour être assez rare.

La femme qui boit n’est pas la femelle de l’ivrogne. C’est un être à part, maussade, solitaire, lugubre.

Mme Mahuzé sauta aux yeux de Pistolet comme une révélation. Il se souvint d’avoir vu passer, depuis dix minutes qu’il était là, deux ou trois autres femmes, marquées au même cachet, odieux et navrant.

La destination de la salle souterraine, éclairée par le soupirail vitré, ne fut plus un mystère pour lui, et il se dit :

— C’est une licherie pour dames.

En ce moment le vieillard marchandait des laitues d’une voix faible et cassée qui, certes, ne pouvait appartenir à ce robuste coquin, Coyatier, dit le marchef.