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— Jamais. Ne me coupe pas le fil, petit. M. le baron paie recta ; mais ce que j’ai à te dire n’est pas déjà si facile à détailler. Fais le mort. J’en étais à te spécifier qu’au début tout ça était clair comme de l’eau de roche. Mme Soulas, pour qui tu connais mes sentiments affectueux, me disait de marcher, je marchais. Depuis, Mme Soulas a changé pas mal.

— Ah ! ah ! fit le gamin. Mme Soulas est-elle maintenant contre M. Paul ?

— Ni pour, ni contre, mon bonhomme. Mme Soulas a un chagrin, un secret, je ne sais pas quoi. J’ai cessé de la comprendre, il y a déjà du temps.

— On tâchera de vous le déchiffrer, patron.

M. le baron a changé aussi.

— Et vous ne le comprenez plus ?

— Pas si bien qu’autrefois.

— Présent. Nous essuierons vos lunettes.

— Au début, il voulait deux choses : trouver les parents d’une jeunesse qu’il a autant dire adoptée, et mettre la main sur les assassins de son frère.

— Et au jour d’aujourd’hui ?

— Aujourd’hui, on ne parle plus de la jeune personne.

— Pourquoi ?

— C’est là le hic. Pourquoi ?

— Est-ce sa maîtresse, patron ?

M. Badoît rougit, tant il était éloigné de cette idée, qui fit naître en lui une sorte d’indignation.

— On te dit : C’est sa fille d’adoption, répliqua-t-il. M. le baron est un honnête homme des pieds à la tête. Et d’ailleurs…

— Et d’ailleurs ?

M. le baron est amoureux fou de Mlle Ysole de Champmas.

— Ah ! bigre ; une belle fille, celle-là ! fit Pistolet d’un ton de connaisseur ; je parle de trois ans. Si Mèche n’avait pas rempli mon âme tout entière à l’époque…