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— Veux-tu parler sérieusement ?

— Si ça vous va, j’y consens. Faites monter le café… quoique j’en ai humé de meilleur qu’ici dans l’Arabie heureuse, capitale Moka-Corcelet.

Quand le café fuma dans les demi-tasses, M. Badoît se leva et ferma la porte au verrou. Après quoi, il reprit sa place et mit ses deux pouces sur la table.

— Petiot, dit-il, tu as une grande capacité et beaucoup de défauts ; on te prend comme tu es. Ne rions plus. Tu avais quelque chose dans le temps pour M. Labre ?

M. aul ! s’écria Pistolet. Un brave jeune homme ! Je me mettrais au feu pour lui, si j’étais l’homme incombustible !

— Voilà qui est bien, mais M. Paul est comme toi, il a ses défauts, et il est difficile à servir.

— Pourquoi cela ?

— Parce qu’il ne dit pas tout ce qu’il sait. Tu comprends qu’il m’a fallu des obstacles de plus d’une sorte pour m’empêcher, pendant trois ans, de trouver ce que je cherchais.

— Dites ce que vous cherchez, patron.

— La question a l’air bien simple, repartit Badoît qui semblait soucieux, et pourtant on n’y peut répondre d’un mot. Quand Mme Soulas m’a embauché pour le service de M. le baron, car c’est elle qui m’a fait quitter ma place d’inspecteur, c’était droit comme un I. M. le baron, qui venait de faire un bon héritage, n’était pas millionnaire, mais il avait de quoi payer.

— Quand les choses me gantent, fit observer Pistolet, je me moque pas mal d’être payé, moi.

— Moi, continua l’ancien agent doucement, je vis de pain et de viande. J’ai besoin d’un fixe pour solder le boucher et le boulanger.

— Est-ce que M. Paul, ou M. le baron demande du crédit ? questionna Pistolet.