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commerce des cotons, où je mis le feu en m’y endormant dessus avec ma pipe.

C’est la chance qui manque.

Heureusement, c’était assuré à une compagnie qui voulut me faire pendre. Je m’y opposai par la fuite. En chemin, je plus à une demoiselle anglaise qui buvait cent sous de madère à son déjeuner. Elles n’aiment pas la barbe chez notre sexe. J’étais son fait, mais je fus chassé pour avoir dit le nom de mon pantalon, sans ajouter révérence parler et me voilà jouant la tragédie française à Manchester.

J’apportais les lettres, en vers, sur la scène.

L’acteur à mille francs par soirée m’appela imbécile et je l’assis sur les planches au milieu du rôle d’Hippolyte qui causait d’amour avec Aricie. Ça déplut. On me logea au pénitencier : vous voyez, je ne me rangeais toujours pas.

Dans la prison, on me demanda si je voulais aller voir l’Inde et les bayadères. Avec plaisir. Deux mois de traversée et des coups de garcette. C’est pas l’embarras, j’essayai le chausson habituel, mais on me donna la cale qui fait drôlement le caractère de la marine anglaise !

Les bayadères, c’est la pluie : ça danse dans un sac avec des dents noires comme du café.

Ah ! par exemple, j’eus du bon temps quand je fus pirate, là-bas, sur les brasses du Bengale ; mais j’ai le naturel trop doux, la vue du sang m’incommode, et puis on ne se range pas dans cet état-là.

J’entrai donc au service d’un lord qui voulait grimper au sommet de l’Himalaya ; je le lâchai à mi-côte pour suivre des marchands d’opium.

Parole, si je voulais retrouver tous les chemins par où j’ai passé, je m’égarerais !

La Chine n’est pas mal. Un mandarin et sa femme se battirent pour moi dans la ban-