Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fatigué, et les dames que je fréquentais à Bobino n’aimaient pas la police.

Voyez-vous, patron, dans le monde, je n’ai jamais avoué que je tenais à la préfecture par un petit bout de bricole. Ça m’aurait ravalé. J’avais dit à Mèche… Vous savez, Mèche, Mme Pistolet ? Je ne l’ai pas retrouvée à Paris. Je lui avais dit, et aux autres aussi, que j’étais employé dans les Habits-Noirs, pour me faire un peu mousser avantageusement.

— On aime donc mieux les voleurs que les archers, dans ton monde, Clampin ? demanda Badoît.

— Parbleu ! répliqua le gamin. Mèche me regardait avec respect. Elle aurait bien voulu que je la présente aux Habits-Noirs, et les autres aussi, ça plaît aux dames. Alors donc, ayant honte de l’état, je me dis : Faut se nettoyer !

Faut être par exemple officier de marine, remarquable par l’uniforme, la bravoure et l’instruction. J’allai donc attendre la malle-poste du Havre hors barrière, et j’y montai par-derrière.

En route, je mangeai ma chemise et mes chaussettes : pas gras.

Au Havre, je tombai justement sur un navire en partance : celui qui avait amené d’Amérique le frère de M. Paul, et celui qui emmenait le général de Champmas en Angleterre. Est-ce curieux ?

— Alors ! fit M. Badoît, tu dois en savoir long, petit !

— Je sais que le général avait du bon tabac, et qu’il n’était pas fier. Je sais que le Bas-Breton de capitaine Legoff n’avait jamais vu, disait-il, un si joli passager que M. Jean Labre.

Je ne restai pas longtemps dans la marine, voyez-vous, patron. Il y avait un polisson de maître qui m’aimait comme ses yeux, et qui voulait faire mon éducation. Je lui passai la jambe, un jour qu’il m’avait allongé