Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et c’est là qu’est maman Thérèse ? À quoi faire ?

— C’est là. À rien faire.

Pistolet parut réfléchir. Cela ne lui arrivait pas souvent.

Le garçon rentra et servit.

— À ta santé, Clampin, ma vieille, dit M. Badoît en versant le premier verre. Quand on te regarde bien, on voit tout de même que la barbe aurait pu te pousser si elle avait voulu. Quel âge as-tu, au vrai ?

— L’âge des amours, patron. À la vôtre ! et chiquons !

Il reprit, la bouche déjà pleine :

— Ça n’est pas pour cacher ma vétusté ; au contraire, je m’en fais gloire. Tout le monde a de la barbe. Les dames savent qu’on peut me respirer sans danger, comme les fleurs. Quoi donc ! je les aime depuis longtemps, en ma qualité de singe Cupidon. Succès partout, jamais de cruelles. Je parierais pour moi contre don Juan.

— Tu as donc été au Théâtre-Français, toi, Clampin ?

— Le plus souvent ! J’ai vu Don Juan à Bobino. Est-ce qu’on en parle aussi dans les autres théâtres ? Mais, dites donc ! savez-vous avec qui je jouais tout à l’heure à la pigoche, Monsieur Badoît ?

— Non ; dis-le.

— Un curieux lapin ! ce qui me fait penser à lui c’est l’idée que je n’ai jamais tiré à la conscription. Trop jeune, depuis quinze ou vingt ans ! lui, le Landerneau, dit Trente-troisième, eut l’honneur de faire ma connaissance, le jour de son conseil de révision. Il avait eu le no 1. Sonnez, clairons ! J’étais