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— Ysole ! répéta-t-il, comme si la musique de ce nom l’eût charmé. Heureuse fille ! charmant sourire ! m’a-t-elle jamais vu quand je m’arrêtais sur son chemin ? Elle doit être bonne, j’en suis sûr, bonne comme les anges. Si j’avais gardé le pauvre bien de mon père, j’aurais pu m’approcher d’elle ; si j’étais un mendiant, elle me ferait l’aumône… Mais tout est bien. Si ma main avait seulement effleuré la sienne, je n’aurais pas le courage de mourir !

Un larifla, fla, fla, chanté faux et en chœur par des accents alsacien et marseillais réunis monta des étages inférieurs. On dînait dans les cabinets. Quelques jurons auvergnats où chaque R valait un tour entier de crécelle ponctuaient la mélodie. La cloison à droite en entrant laissa passer trois petits coups frappés discrètement, et une voix douce cria :

— À la soupe, Monsieur Paul, s’il vous plaît ! La vôtre est au chaud. M. Badoît arrive.

Paul Labre venait de tremper sa plume dans l’encre.

— Je n’ai pas faim, ma bonne Madame Soulas, répondit-il. Dînez sans moi.

— Qu’est-ce que c’est que toutes ces affaires-là ! gronda la bonne grosse voix de Badoît ; ce chérubin-là me fait de la peine. Je parie que nous allons le voir malade !

— Allons, Monsieur Paul, reprit Mme Soulas, un peu de courage ! Vous savez bien que l’appétit vient en mangeant.

La plume de Paul courait déjà sur le papier.

Nous avons dit « la cloison » en parlant