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surmonté du bonnet phrygien, était arrondi aux angles et semblait avoir subi le poli de l’émeri. C’était une merveilleuse pièce de coupage, glissant dans la poussière, droit et roide, comme un galet sur l’eau.

Un amateur en aurait donné cinq sous, haut la main.

Le chiffonnier, au contraire, avait le jeu prudent des galochiers de l’Ouest. Il piquait et abattait en piquant, de sorte que son gros sou de la République, épaissi à la tranche par le marteau et limé en scie par-dessus le marché, restait toujours en place, fidèle gardien des sous qui pouvaient tomber du bouchon.

Le gamin, dont l’adresse évidemment supérieure était vaincue par la prudence calme de son adversaire, se vengeait par des quolibets.

— Dis donc, Landerneau de ton pays, demanda-t-il au moment où le chiffonnier enlevait proprement une belle pile de douze sous, pourquoi donc que tu as une si grande hotte ?

— Je fais les enterrements, répliqua l’autre, dont l’œil sournois n’annonçait rien de bon. Quand tu l’auras avalée, ta langue, je t’emporterai à l’amphithéâtre, en première classe, et ça ne te coûtera pas cher pour être disséqué.

La galerie fut pour Landerneau. Le gamin enrageait.

— Chargeons, dit-il, douze sous chaque, veux-tu ?

— Va ; si tu manques, ils sont dans le sac.

La pièce blanchâtre du gamin prit le bou-