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triarche des Habits-Noirs, — le colonel, — était en conférence intime avec ce jeune homme au teint blanc, aux cheveux bouclés, au profil aquilin, que la pauvre Ysole appelait Monseigneur, et vers qui son cœur, tendre en même temps qu’ambitieux, s’était élancé si ardemment.

Le Père à tous, assis dans une bergère, avait toujours cet aspect vénérable qui trompait parfois jusqu’à ses associés eux-mêmes. À chacun d’eux, en effet, il avait promis son héritage, à l’exclusion de tous les autres, et chacun d’eux le croyait.

C’était là le secret de leur obéissance.

Aujourd’hui les rides de son front se creusaient profondément ; il avait l’air soucieux.

— Une affaire si bien combinée ! disait-il, un rapport si joliment fait. Mais qui donc ont-ils tué à la place du général ?

— Qu’importe cela ? répondit sèchement le prince. Le général est vivant, voilà le fait. Ma belle Ysole n’est plus qu’une demoiselle riche, qui peut attendre vingt ans son héritage.

— Qu’as-tu fait d’elle, mon fils ? Ah ! comme tu calcules !

— Je l’ai laissée endormie dans une chambre d’hôtel… et me voici.

— Et dire, soupira le colonel, que j’ai donné ma petite Fanchette à ce Corona ! et qu’il la rend malheureuse ! Quel gendre tu aurais été !

— Père, cela ne me donne pas de rentes ! Il est temps.

— Ingrat ! je n’aime que toi ! je ne m’occupe que de toi. Voyons, écoute ! veux-tu essayer un coup énorme ? Ce sera ma derniè-