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tombé à la renverse.

Il ajouta, pendant qu’on l’asseyait sur un banc :

— C’était mon dernier espoir. Il était bien faible ; mais je me disais : Peut-être mon pauvre Jean aura-t-il eu un empêchement, après m’avoir écrit sa lettre ; peut-être le retrouverai-je encore au Havre !…

Legoff comprenait à demi ; il voulut tout savoir. D’une voix entrecoupée, Paul lui raconta sa visite au notaire de la rue Vieille-du-Temple.

— Ah çà ! s’écria le capitaine, je crois rêver, moi, voyez-vous, Monsieur Labre ! Il n’y a pas de preuves de mort, après tout, et vous auriez grand tort de jeter le manche après la cognée. Et pourtant, ces papiers qu’on lui a volés… Ah çà ! ah çà ! en France, à Paris, en 1835, il y a donc des endroits plus dangereux que les pampas de l’Amérique du Sud ! Caraï ! j’ai navigué dans toutes ces eaux pleines de pirates et de crocodiles, j’ai traversé toutes ces savanes où les diables rouges rôdent la nuit et le jour, et je ne suis pas mort, tonnerre de Brest ! Si je n’étais pas forcé de repartir, j’irais avec vous et je promets bien que nous le retrouverions…

Le second du navire vint, le chapeau à la main, et dit :

— Onze heures trente-neuf minutes. Le bon de l’eau, capitaine !

Toutes les manœuvres étaient préparées depuis longtemps pour attendre la marée étale.

Legoff prit son porte-voix.

Avant de lancer son premier commandement, il pressa Paul contre sa poitrine.