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maison contiguë à la gargote Boivin et marquée du no 5, venait d’être louée par l’administration, qui y reconstituait le service de sûreté, après la destitution du fameux Vidocq.

Le regard de Paul Labre, triste et chargé de rêverie, se tourna vers l’échappée qui montrait un coin du grand paysage de la Seine ; ainsi éclairé par les rayons du couchant, son visage sortait, mâle et net comme un médaillon de David, hors de l’ombre qui était derrière lui. C’était un jeune homme aux traits nobles et fiers. Dans l’expression de ses grands yeux vous eussiez deviné je ne sais quelle hardiesse vaincue et l’éclair éteint d’une gaîté qui n’était plus.

Il avait dû souffrir cruellement et longtemps, après avoir joui avec passion de quelques jours heureux.

Il était très pâle. Son front, couronné de cheveux bruns, court bouclés, avait de la distinction et aussi de l’ampleur. Les lignes de sa bouche faisaient naître l’idée d’une fermeté douce, mais brisée par le malheur.

En somme, quiconque l’eût remarqué, vêtu qu’il était d’une blouse de laine grise, à la fenêtre de ce misérable taudis, aurait pensé qu’il n’avait là ni son vrai costume, ni sa vraie place.

Le mur du jardin, donnant sur le quai, confinait à une série de maisons en retour, formant angle droit avec la cour de Harlay. Presque toutes ces maisons existent encore, excepté la première, la plus grande : celle qui, par conséquent, masquait les autres en