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dresse et un courage à toute épreuve, qui ne reculera devant rien. Si je vous trouve heureux, tant mieux ! je redeviendrai libre de faire à ma fantaisie. Si je vous trouve malheureux, comme je le crains, je suis jeune encore, te voilà devenu un homme, morbleu ! ce serait bien le diable si, à nous deux, nous ne nous tirions pas d’affaire !

» Tu m’as compris. Prépare notre mère. Je vais me coucher ; demain, à quatre heures du matin, je serai dans la malle-poste. Demain, sur les huit à neuf heures du soir, je frapperai à votre porte.

» Je t’embrasse,
« Jean. »

Il y eut un silence après la lecture de cette lettre. Mme Soulas le rompit la première et dit :

— Voilà déjà treize heures de retard.

— Avant de m’en aller dans l’autre monde, murmura Paul au lieu de répondre, je lui avais écrit, moi aussi. Il n’aura pas ma lettre. Ce sera plus dur à dire qu’à écrire.

— Mais, après tout, s’interrompit-il en relevant la tête, si j’ai de la peine, je n’ai pas de remords.

— Treize heures ! répéta Thérèse ; à votre place, moi, je m’informerais.

Disant cela, elle avança la main vers le papier où était le fromage et ajouta :

— La tête me tourne, j’ai besoin, voulez-vous me donner à déjeuner, ce matin, Monsieur Paul ?

Paul lui tendit du pain ; mais, au lieu de manger, elle s’écria :

— Tiens, tiens ! voilà votre nom, imprimé sur ce chiffon !

— Je n’en ai jamais tant vu, dit le jeune