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— Il m’étonne de ne l’avoir pas encore vu, répondit-il. Certes, je n’ai pas d’inquiétude ; du Havre à Paris on ne rencontre pas de sauvages ; mais, enfin, sa lettre était datée d’avant-hier, et il m’y disait : « Demain soir je t’embrasserai. »

— Demain, c’était hier, fit l’hôtesse. Il est peut-être venu.

— Peut-être… prononça Paul d’un air pensif.

— En tout cas, il reviendra.

— Oh ! certes. Voulez-vous que je vous lise sa lettre, maman Soulas ?

— Je crois bien ! répliqua la bonne femme, je suis tout oreilles.

Paul déplia la lettre dont le papier mouillé, puis séché, criait sous sa main.

Grâce au bain prolongé de cette nuit, l’encre avait pâli. Cela ressemblait à quelque vieille missive à demi-effacée par le temps.

Et l’apparence des choses frappe, car Paul dit :

— Je ne saurais exprimer nettement ce que j’éprouve : je sais d’où cela vient et de quand c’est écrit. C’est tout près et c’était hier. Mais hier me fait l’effet de longtemps, et le Havre me paraît comme le bout du monde… Ce n’est pas triste, cependant, voyez plutôt !

Il commença :

« Mon vieux Paul, quand tu vas recevoir « la présente », comme on dit dans le noble style des conscrits et des millionnaires, voici ce que tu penseras en voyant le timbre.

» Tu penseras : Maître Jean est un garçon économe et rangé. Pour ne pas payer la poste de Montevideo, il a confié ce message à un monsieur partant de l’Uruguay pour la Syrie ou pour Pontoise, et il lui a dit : « Mon