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Elle pensait :

— Cela se dit ! cela ne peut manquer de se dire. J’ai parlé d’elle si souvent ; on m’aurait répondu : Elle est muette. Et le général ! quand il m’a donné la lettre, il m’aurait dit : Suavita est muette !… Ce n’est pas elle, ce n’est pas Suavita !

— Vous êtes bonne, maman, reprit Paul qui suivait les caresses de Mme Soulas d’un œil attendri, mais vous avez quelque chose, ce matin. Quand vous avez dit : Elle est muette, on aurait juré que vous étiez contente.

— Moi ! s’écria Thérèse, la chère petite créature ! Vous ne pouvez pas soigner cet ange-là comme il faut, Monsieur Paul. C’est moi qui lui servirai de mère.

— J’y compte bien, dit Paul en lui serrant la main, d’autant que je vais être obligé de travailler, maintenant. Depuis qu’elle est là, l’idée m’est venue que je peux louer mes bras dans un atelier ou une fabrique, comme tant d’autres.

— Vous ! Monsieur Paul, fit Thérèse, travailler de vos mains !

Paul se mit à rire.

— À moins qu’un héritage ne me tombe des nues ! dit-il gaîment. Mais voyons, maman, parlons un peu de moi. Je vous ai dit que j’avais désormais plus d’une raison pour vivre ; je ne serai peut-être pas forcé de me faire ouvrier tout à fait ; je vais avoir un appui, un mentor ; mon frère Jean est arrivé.

— Bravo ! s’écria Mme Soulas ; voilà une vraie nouvelle ! Quand le verra-t-on, ce beau M. Jean ? C’est un baron, savez-vous ?

Paul regardait avec distraction l’adresse de la lettre.