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— Ce n’est pas elle ! je suis sûre que ce n’est pas elle !

— À quoi songez-vous, maman ? demanda Paul.

— À elle, répondit Thérèse. Pauvre fillette.

— C’est bien triste, n’est-ce pas ? Mais il y a quelque chose de plus triste encore. Quand la Renaud est venue, j’ai demandé à Blondette si elle voulait manger. Elle m’a fait signe que non. Je lui ai demandé si elle voulait boire, elle a répondu oui, toujours par signe. Cela ne m’a pas étonné, car elle n’avait pas encore donné de pareilles marques d’intelligence.

C’était un progrès, et je guettais chèrement le réveil complet de ses facultés.

Avec du vin, du sucre et de l’eau, je lui ai composé un breuvage qu’elle a bu à longs traits jusqu’à la dernière goutte. Après avoir bu, elle m’a jeté un clair regard où il y avait presque un sourire ; puis ses lèvres se sont entr’ouvertes et j’ai cru, cette fois, qu’elle allait parler.

J’étais heureux d’entendre enfin sa voix ; mais je devais éprouver ici une déception cruelle. Elle a fait un effort qui a contracté tous les muscles de son visage ; ses yeux se sont égarés et, au lieu de la parole espérée, sa gorge n’a rendu qu’un son rauque…

— Elle est muette ! s’écria Mme Soulas.

Paul la regarda stupéfait.

C’était une sorte de triomphe qu’il y avait dans cette exclamation.

— Elle est muette, répéta-t-il douloureusement.

— Pauvre, pauvre enfant ! murmura Thérèse, qui mit ses lèvres sur la petite main de Blondette.