Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nom du ciel, laissez-moi pénétrer dans l’appartement du général. Les femmes trouvent parfois des indices qui échappent aux yeux des hommes.

— Exact, interrompit l’inspecteur, mais pas possible. M. Mégaigne est au premier, et quant aux indices, c’est superflu : on est fixé. Les oiseaux sont envolés : voilà l’axiome ! Envolés au premier, envolés au second, car il devait y avoir des accointances entre les deux étages, j’en signe mon billet à quatre-vingt-dix jours ! Les oiseaux envolés, ça ne revient pas. Nous gobons ici le marmot, tenant la maison du haut en bas, pour le roi de Prusse. Nous ne reverrons ni les jeunes filles ni les Habits-Noirs. Par quoi, Madame Soulas, si vous alliez nous en tremper une toute prête pour l’heure de onze heures, j’y serais particulièrement sensible, ayant trimé exceptionnellement depuis la dernière fois que j’ai eu l’avantage de la manger chez vous.

Thérèse se retira sans répondre.

Dans la rue, elle sentait sa tête tourner : elle était ivre.

Ivre de terreur et de douleur, car l’accusation portée contre sa fille répondait à un cri de sa propre conscience.

Non point qu’elle se reconnût coupable elle-même dans le sens ordinaire du mot, mais une parole de M. Badoît l’avait violemment frappée.

M. Badoît avait dit :

— « Les enfants étrangers qu’on fait entrer ainsi dans les familles portent malheur. »

Cette pensée préexistait-elle dans l’esprit honnête et droit de Mme Soulas ?

Était-ce pour cela qu’elle aimait, sans la connaître, à l’égal de sa propre fille, la fille de feu la comtesse de Champmas qu’elle ap-