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un bout de la rue de Laharpe, comme une traînée de boue, oubliée par les balayeuses au beau milieu d’une route impériale bien tenue.

Marion ne s’y reconnaîtrait plus, et M. Flamant, redivivus, s’y refuserait à lui-même une place de garçon d’écurie.

Mais étant donnés M. Flamant et son attelage, tous deux appartenant au quartier de la Sorbonne en 1835, nous ne surprendrons personne en constatant que Mme Soulas, revenant de Saint-Germain, descendit au coin du quai des Orfèvres et de la rue de Jérusalem vers neuf heures du matin.

Il avait fallu le tour entier du cadran pour faire le voyage.

Mme Soulas ne rentra pas tout de suite dans l’établissement du père Boivin, son propriétaire ; elle avait bien autre chose en tête.

Tout le long de la route, ou du moins, depuis que le jour était venu, l’hôtesse de MM. les inspecteurs avait passé son temps à lire et à relire les deux lignes tracées par le général comte de Champmas au moment du départ :

« Ysole, Suavita, mes filles chéries, aimez et respectez celle qui vous portera ce mot, comme vous m’aimez, comme vous me respectez moi-même. »

Bien des fois ses yeux s’étaient mouillés.

— Ysole ! s’était-elle dit, radotant à satiété ce mot délicieux qui jamais ne lasse les mères : ma fille ! Elle était haute comme mon genou la dernière fois que je l’ai embrassée. Ah ! je ne sais pas si j’ai bien fait, mais j’ai bravement souffert pour cette enfant-là… souffert, souffert, souffert !

Elle riait des larmes.

Mlle de Champmas n’en saura jamais