Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vante qui l’a tuée, et moi, je vais renouveler ses frayeurs !

Pendant plus d’une minute, il resta immobile et silencieux. Par degrés, Suavita se calmait.

Après une autre minute écoulée, une nuance rose, moins fugitive, monta aux pommettes de l’enfant, qui leva ses deux bras à la fois et appuya ses mains sur son front dans une attitude pensive.

Les pauvres êtres qui ont perdu la raison font souvent ce geste qui trompe. Il est cruel à voir.

Chez Suavita, il était empreint d’une inimitable grâce.

Elle ouvrit les yeux lentement, et lentement elle les tourna vers Paul dont le cœur cessa de battre tant l’émotion le domptait.

C’étaient de grands yeux d’un bleu obscur.

Leur morne prunelle, en se fixant, donnait une sensation de froid.

Paul eut peine d’abord à soutenir ce regard de folle.

Mais bientôt ce regard changea d’expression. Si ce n’eût été là une chose insensée, Paul aurait juré que la fillette le reconnaissait, car il y eut sous les longs cils de sa paupière immobile un rayonnement doux et recueilli.

Une nuance d’étonnement passa parmi cette émotion inexplicable.

Puis l’enfant eut comme un vague sourire.

Ses longs cils retombèrent, la tête pesa davantage sur l’oreiller ; le souffle s’égalisa et devint plus bruyant, tandis que la transpiration amenait des perles de moiteur sur le front ravivé.

Suavita s’était endormie, toujours tournée