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joues.

Il étendit le second drap sur le lit, et, développant sa chère enfant, sa fille, on peut le dire, avec précaution, il la coucha toute moite d’une douce chaleur entre les deux toiles tièdes.

Puis il arrangea la couverture, et avec quel soin ! Il drapa le bord du lit, il disposa l’oreiller. Il était heureux plus qu’un roi.

Et il avait déjà des fantaisies d’homme heureux. L’ambition le prenait. Il se surprit à dire :

— Je donnerais n’importe quoi pour savoir son nom.

N’importe quoi ! voyez ce faste ! n’avait-il pas assez de la voir vivre et de la sentir respirer ?

Elle ouvrit les yeux cependant, et son regard vague se fixa devant elle.

Ses lèvres remuèrent, sans laisser échapper aucun son.

Paul écoutait passionnément, attendant une parole qui ne devait pas venir.

Il hésitait à parler lui-même.

— Vous sentez-vous mieux ? demanda-t-il enfin d’une voix mal assurée.

Il eût mieux fait de ne point oser.

Suavita tressaillit de tous ses membres et une indicible terreur se peignit sur son visage contracté.

Ses lèvres s’agitèrent encore ; on eût dit qu’elle voulait pousser un cri : un appel.

Aucun son ne sortit.

— Je vous en prie, murmura Paul désolé, ne vous effrayez pas…

Elle ferma les yeux, sa pâleur de morte était revenue.

Paul, désormais, retenait son souffle. Il pensait :

— Malheureux que je suis ! c’est l’épou-