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Il hésita avant de porter la lumière sur les traits de la fillette.

— Si maman Soulas avait été là, murmurait-il, je n’aurais pas peur de la voir si pâle, car elle l’aurait sauvée.

Il avait raison de craindre ; son premier regard rencontra une morte.

La pâleur de la pauvre Suavita avait des tons bleuâtres ; ses chairs, touchées par la lumière, semblaient transparentes.

Partout où le marchef, puis Paul lui-même l’avaient étreinte tour à tour pour la porter, sa peau délicate montrait de larges meurtrissures, non point rouges, mais livides.

Ses cheveux blonds mouillés, collés à ses tempes si frêles, n’en cachaient point entièrement les marbrures sinistres.

Elle avait les yeux demi-ouverts, on n’y voyait plus de prunelles.

Paul rendit un grand soupir.

Il eut le courage de toucher après avoir vu.

La rapidité de sa course l’avait réchauffé jusqu’à la fièvre. Au contact de ce corps humide et froid, il chancela sur ses jambes tremblantes.

— J’ai voulu me tuer, dit-il, Dieu me punit.

Il s’accroupit sur le carreau et resta immobile, tenant toujours son flambeau à la main.

— Pourquoi n’est-elle pas là ! murmurait-il comme un pauvre fou. Jamais elle ne s’absente ! Où peut-elle être ?… Et que faire ! que faire !

Son regard éperdu parcourut la chambre, cherchant, il ne savait quoi.

Dans la chambre il n’y avait rien, pas même un peu d’eau.

Il avait l’habitude de tout prendre chez sa bonne voisine.