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salem et du quai des Orfèvres : un des restes les plus curieux du vieux Paris.

Tout cela est mort. Vous ne sauriez plus voir la bizarre physionomie de ce lieu que dans la collection photographique, tirée par ordre de M. Boittelle, et dont les meilleures épreuves sont conservées par le savant et très obligeant archiviste de la Préfecture.

En 1834, époque à laquelle commence notre histoire, la tour, le tourjon et la maison contiguë, portant le no 3 de la rue de Jérusalem, étaient possédés par le traiteur Boivin, nom qui n’est pas sans quelque célébrité parmi les sans-gêne de la basse vie parisienne.

Le père Boivin, sans être précisément un archéologue, se montrait très fier de l’antiquité de sa tour, ouvrage avancé des anciennes fortifications du palais.

Il exhibait avec orgueil les traces d’un boulet bourguignon qui avait écorné sa muraille, il ne savait pas trop en quel siècle.

Ce qu’il savait très bien c’est que Boileau-Despréaux était né dans la maison voisine de la sienne : la maison du chanoine. « Boileau, Boivin, disait-il, ça rime ! »

Il savait aussi que l’enfance de Voltaire s’était passée non loin de chez lui dans le bâtiment où est maintenant le bureau de l’imprimerie. Que de poètes dans cette rue qui n’avait pas quinze toises de longueur !

Il savait surtout que sa propre tour avait été habitée par le lieutenant criminel Tardieu et sa femme, ces deux avares, illustrés par une satire de ce même Boileau ; qu’ils y