Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais si c’était une femme, elle n’avait pas été soutenue par le ballonnement de sa robe.

Il y avait là un crime.

On l’avait jetée à l’eau littéralement empaquetée, et, comme l’enveloppe était de soie, c’était le paquet lui-même qui avait fait ballon, perdant son air avec lenteur, mais enfonçant toujours de plus en plus.

Il n’eût pas fallu trois minutes désormais pour que son contenu devînt le cadavre d’une noyée.

Paul aborda à la pointe de l’île et dénoua vivement le paquet.

Les rayons de la lune frappèrent le pauvre doux visage de Suavita qui avait les yeux fermés et ressemblait à une gracieuse statue de vierge décédée.

— Une petite fille ! murmura Paul qui frissonnait sous ses vêtements mouillés et ne s’en apercevait point. Quel pauvre joli ange !… et ils ont eu le cœur de l’assassiner !

Comme nous le savons, Suavita avait été prise par le marchef sur son lit de repos ; elle était à peine vêtue. Paul, en découvrant sa frêle poitrine, fut pris d’un immense sentiment de pitié.

Puis tout son sang eut froid, parce qu’il la crut morte.

Il tâta ses mains et ne put juger parce qu’il était glacé lui-même. Néanmoins, ces mains si déliées et si douces lui semblèrent inanimées.

Il la pressa contre son sein, afin de la réchauffer ; son cœur à lui battait, mais celui de l’enfant restait immobile.

— Au secours ! cria-t-il sourdement et sans savoir.

L’île était déserte à cette heure de nuit.

Pour réponse, il n’eut que le morne cla-