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mençaient leur pleine-eau.

Malgré lui, Paul fit un mouvement de nageur qui mit sa tête au-dessus du niveau.

Comme la première fois, il n’aperçut rien, parce que l’ombre formait une large bande tout le long du pont ; mais presque aussitôt après, un objet blanc se détacha du noir et flotta, immobile, en suivant le courant.

Paul hésita. Son parti n’était pas pris à demi : « Il n’avait plus affaire à personne. »

Et néanmoins, son bon cœur se serra à l’idée de laisser périr une créature humaine qu’il pouvait sauver si aisément.

— La nuit est longue encore, se dit-il, je mettrai la pauvre créature à la rive, et j’aurai encore tout le temps d’en finir.

Pour lui, l’objet blanc était une femme, soutenue par sa robe bouffante.

Seulement, il s’étonnait de ne l’entendre point crier.

Il s’allongea sur l’eau et se mit à nager en contrariant le courant qui l’avait porté déjà à cent pas de la pointe de l’île.

L’objet blanc flottait toujours, mais il allait évidemment en diminuant et semblait s’enfoncer avec lenteur.

Comme presque tous les enfants de Paris, Paul était un nageur. Au lieu de l’effort indifférent et paresseux qu’il avait fait naguère, il tendit ses muscles, donna du jeu à son mouvement et surmonta, par une coupe puissante, la dérive qui l’entraînait.

Au bout de dix minutes d’efforts il atteignit, à la pointe même de l’île, l’objet blanc, qui allait sombrant et qui ne laissait plus au dessus de l’eau qu’un rond étroit, semblable à un ballon gonflé d’air.

Paul le saisit ; au premier contact, il vit qu’il ne s’était point trompé. C’était une femme — ou un enfant.