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sonne

Certes, tandis qu’il marchait tête baissée, il n’avait déjà plus aucun souvenir de cette rencontre. Il allait, perdu dans la suprême rêverie des gens qui veulent mourir.

Le passé renaissait pour lui dans ses moindres détails. Il faisait l’inventaire de sa vie, qui avait commencé brillante pour se ternir peu à peu et descendre, — descendre toujours.

Il voyait ce qu’il n’avait pas vu depuis bien longtemps, peut-être : la mélancolie noble de son père.

Il cherchait un sourire sur ce pâle visage de soldat. Il n’en trouvait point et murmurait :

— C’est vrai, jamais mon père ne souriait. Le malheur est bien vieux chez nous.

Et son frère ? C’était un souvenir confus. Il se disait :

— Jean est heureux. Que Dieu le bénisse.

Mais sa mère. Oh ! sa mère lui emplissait le cœur !

Elle avait été sa ruine, mais elle l’aimait si bien !

Le vice honteux et tout près d’être grotesque qui l’avait perdue disparaissait pour Paul.

Il voyait cette douce figure qui s’animait à son aspect, reflétant un cœur qui n’adorait que lui.

Quand il était tout petit, on appelait sa mère « Madame la baronne ».

Elle allait en voiture ; elle avait des valets ; elle était élégante et belle.

Puis la voiture disparut, les valets aussi ; on ne disait plus que « Madame d’Arcis » dans ce petit appartement du faubourg Saint-Germain, d’où son père était parti pour le dernier voyage.