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cun a pu rencontrer en sa vie au moins un colon réintégré et radotant les mérites de son homme de confiance.

Chacun aussi sait bien que ce colon finit par trouver en France un personnage secourable qui prend en main ses intérêts : les colonies n’ont pas le monopole de la vertu.

Alors, c’est entre les deux mandataires habiles et sûrs un duel régulier dont tous les coups passent au travers du corps de leur victime commune.

Le personnage secourable, rencontré par Antoine Labre, fut un jeune praticien, alors fort à la mode et nommé M. Lecoq.

Ce n’était pas un avocat, c’était mieux que cela : un sorcier.

Sa boutique ne désemplissait pas et le meilleur monde parisien s’adressait à lui dans les circonstances délicates.

Ce M. Lecoq en savait long, et bien des gens parlaient de lui avec respect.

Il avait, d’ailleurs, la brusquerie de certains médecins en vogue. Quand un bourgeois s’impose aux gens de qualité, rien ne lui fait une si bonne tenue que son air commun réuni à un quantum sufficit de sans-gêne brutal.

Antoine Labre eut le bonheur de rencontrer M. Lecoq vers 1825, au lendemain d’une grande déception. Son mandataire colonial venait de lui envoyer un compte définitif très bien fait, selon lequel, lui, Antoine Labre, loin d’avoir quelque chose à réclamer, restait débiteur d’une somme considérable.

En dix années, les peines et soins de l’homme habile et sûr, les procès et les intérêts d’une soixantaine de mille francs avaient produit, grâce à une culture assidue, un déficit d’un demi-million.

M. Lecoq était à ses débuts, il ne dédai-