Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donna la régie de ses établissements à un personnage aussi habile que sûr et s’embarqua.

Sa femme accoucha de Paul pendant la traversée.

Un fait singulier eut lieu : la naissance de Paul sembla développer ou plutôt faire naître en elle le sentiment maternel. Elle avait aimé Jean, qui était alors un joli bambin d’une dizaine d’années, dans la mesure de sa paresse morale ; elle adora Paul.

Son mari, étonné et charmé, crut qu’il allait avoir enfin une femme, au lieu de cette gracieuse végétation qui fleurissait dans un coin de sa maison.

Ils arrivèrent à Paris aux premiers jours de la seconde restauration. Antoine Labre était un digne caractère. Il crut devoir abandonner les bienfaits de la cour à ceux qui en avaient plus besoin que lui et se tint à l’écart de ce fameux gâteau de l’indemnité, dont les partis exagérèrent si adroitement l’importance. Son seul désir fut d’entrer dans l’armée où il obtint un grade honorable.

Et, vraiment, les commencements de sa vie en France furent remarquablement heureux.

Il reçut une fois deux mille louis de son homme de confiance, avec prière, il est vrai, de ne pas oublier les intérêts des sommes empruntées là-bas.

D’un autre côté, ses deux enfants prospéraient : le petit Paul devenait joli comme un amour et cette charmante baronne, trop éloignée désormais des amies créoles qui jouaient avec elle ce jeu dont j’ai oublié le nom, prenait des habitudes d’intérieur et passait ses journées entières auprès du berceau de son dernier né.

Il ne faut pas allonger une histoire de ce genre ; le fond en est par trop connu : cha-