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vres avec une ligne à goujons. Ça dure longtemps, mais la bête finit par venir et ils appellent ça : noyer le poisson. J’ai noyé le poisson, et je l’amène, attaché avec deux liards de ficelle.

Il éleva sa main jusqu’au bord du bateau et ajouta :

— Prenez voir le bout de la ligne, Monsieur Badoît.

Badoît obéit. Le gamin se hissa à bord et les efforts réunis des trois agents parvinrent à embarquer une lourde masse complètement inerte. C’était le marchef qui avait un bout de ficelle attaché autour du cou.

— Maintenant, dit Pistolet, en me séchant, car je n’ai pas de rechange, je casserai une croûte avec plaisir chez le père Niquet, ouvert à la vertu jusqu’au lever du soleil.

On fit un brancard de planches pour le corps du marchef.

Au moment où ses vainqueurs retendaient sur ce lit de misère, le bandit s’éveilla en un puissant éternuement.

— Où est la mouche ? demanda-t-il d’une voix étouffée.

— Quant à ça, dit le gamin, en terre ferme, M. Coyatier est plus fort que moi. Tenez-le bien.

M. Badoît était déjà en train de lui lier les poignets.

— Viens ça ! reprit le bandit qui n’essayait même pas de résister. Pas de rancune. Je suis bloqué, quoi ! ça peut arriver à tout le monde. As-tu des nouvelles de mon paquet, hanneton ?

— Qu’y avait-il dans votre paquet, Monsieur Coyatier ? demanda curieusement le gamin.

— Une fillette… Crébleu ! c’est drôle que ça m’occupe. Si tu me la rattrapais, dis donc, petit, à ma prochaine évasion je te paierais quelque chose de bon. J’y tiens.

Sans répondre, Pistolet fit la roue par-dessus le bord du bateau et se mit à tirer sa coupe dans le sens du courant. Il allait aussi vite qu’un cheval au trot. En quelques secondes, on le perdit de vue.