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et au-dessus du bord, on ne voyait qu’une ligne blanche, toute composée de larges cubes de pierres de taille.

Le marchef leva la tête avec précaution en aspirant une lampée d’air.

Il regarda tout autour de lui.

Rien ne se montrait sur la Seine. Le long de la berge, trois hommes couraient.

M. Badoît ! se dit Coyatier. Il m’a tout de même sommé trois fois avant de taper. Ça fait de temps en temps son état en conscience. Mais chacun pour soi, pas vrai ? S’ils restent là, sur le bord, à jouer des jambes, ils ne m’auront pas !

Il plongea de nouveau.

À l’endroit même où la disparition de sa tête laissait un petit tourbillon, une autre tête parut dans le remous : une pauvre tête mièvre que vous n’auriez pas reconnue, tant l’aplatissement de ses cheveux jaunes ébouriffés changeait la physionomie de notre ami Clampin, dit Pistolet.

Il siffla doucement ; les agents s’arrêtèrent à ce bruit.

— Entrez voir dans le bateau à charbon, monsieur Badoît, dit-il, si vous pouvez. Vous serez aux premières loges pour voir l’intermède comique…

— Stop ! s’interrompit-il. Ne bougez plus. Voilà la baleine qui va souffler.

L’eau eut, en effet, une ondulation à vingt pas de là, et la tête du marchef reparut au moment même où celle de Pistolet se cachait de nouveau.

Le marchef était maintenant à l’ombre du second bateau, chargé de planches.

Il regarda, il écouta. Tout semblait désormais tranquille.

— Je n’aime pas ça ! fit-il entre ses dents. Doit y avoir une manigance.

Il plongea, et tout aussitôt, Clampin, se mouchant avec ses doigts, comme font les plus parfaits gentilshommes quand ils ont le caleçon de bain, dit entre haut et bas :

— Passez, Monsieur Badoît, c’est l’instant, c’est le moment : la représentation va commencer !

Le troisième bateau en ligne, au quai, contenait du charbon de l’Yonne, arrimé en