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doît ; nous sommes tous armés, et dès qu’il y a du sang répandu, nous avons le droit de faire usage de nos armes.

— Montrez-les donc vos outils, répondit le marchef qui venait d’abattre deux agents à coups de couteau et qui était ivre de sa force ; on va t’en répandre du sang, à seaux et à flots ! Ça va faire monter la Seine à l’échelle du Pont-Royal !

— Ah ! faillis chiens, reprit-il en râlant de rage, vous seriez vingt-quatre au lieu de douze, et quarante-huit aussi, et quatre-vingt-seize, que vous ne pourriez rien contre un homme ! Allume, Badoît, vieux bourgeois ! as-tu fait la guerre en Afrique ?… Toi, Mégaigne de malheur, je vas te couper en deux, regarde voir !

Il avait reçu un coup de pointe de l’épée que Mégaigne avait dans sa canne. Il lui porta une retroussis à éventrer un bœuf.

Mégaigne était un tireur. Il para et redoubla. Le marchef, touché, hurla.

En même temps, Badoît, qui n’avait pas encore frappé, se jeta sur lui et le ceintura, comme disent les lutteurs.

— Tenez ferme, monsieur Badoît, cria Chopand qui se relevait. Nous l’avons !

Coyatier les savait toutes.

— Puisqu’on lutte à mains plates, luttons, dit-il.

Et donnant un violent temps de hanche, il fit basculer Badoît dont les pieds souffletèrent ses amis à la ronde.

Coyatier profita du mouvement de recul pour regagner son poste auprès du parapet.

Il avait mis cinq des assaillants complètement hors de combat. Il se croyait désormais sûr de la victoire.

— Un vrai d’Afrique vaut dix Bédouins, dit-il : vous êtes douze ; mais chaque Bédouin