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mettre au front un doux et charmant baiser.

— Mon père, dit-elle en même temps, je rêvais de toi, mon bien-aimé père !

L’assassin resta immobile sous cette caresse qui le navrait, mais réveillait au fond de son âme des fibres paralysées.

Il ne répondit pas. Il n’osait plus bouger. Son cœur battait horriblement.

— Tu ne dis rien ! fit Suavita souriante, et tu ne m’embrasses point… Es-tu fâché contre moi ?

Saurait-on dire pourquoi ? L’assassin arrondit ses lèvres qui effleurèrent la joue satinée de l’enfant.

Elle lâcha prise, disant :

— Comme ta barbe est rude, père !

Puis, ses sens s’éveillant, elle eut un doute ; ses narines délicates perçurent avec dégoût ces horribles effluves qu’épandent à profusion le sordide séjour des prisons et des bouges, la misère, le vice, le crime.

Elle ouvrit les yeux tout à fait.

Elle vit cette tête énorme, crépue, hideuse, qui pendait sur elle comme un impur cauchemar.

Une épouvante indicible la saisit.

Elle poussa un cri rauque, et retomba sur son lit, évanouie.