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— Après ? fit-il en se redressant de son haut comme pour défier ce blême visage qui le provoquait. On n’avale sa langue qu’une fois. Au galop !

Un mouvement brusque le porta jusqu’au lit de jour et ses deux mains se crispèrent, tandis qu’il regardait l’enfant à la gorge.

Certes, il n’avait pas besoin d’armes pour accomplir sa sinistre besogne.

Suavita s’était retournée en dormant. Les rayons de la lampe glissaient sur les lignes un peu grêles, mais délicieusement mignonnes de son profil perdu. Autour de ses lèvres pâlies, un vague sourire errait.

Le marchef se mit à la contempler froidement.

— Ça deviendrait une femme ! murmura-t-il. C’est de la graine de femme !

Et pour lui, dans ces mots, il y avait un arrêt impitoyable.

Il fit encore un pas. Ses deux mains se portèrent ensemble à son front où la sueur ruisselait.

— Crébleu ! gronda-t-il, j’ai vu noir pendant un petit moment. Ça m’a passé comme un nuage. J’ai vu rouge souvent, ah ! souvent ! mais ce brouillard…

Il ajouta, réagissant contre l’angoisse inconnue qui le tenait :

— Jamais peur, Coyatier ! C’est le cou d’un poulet à tordre, quoi donc !

Ses deux mains se rapprochèrent de la gorge de l’enfant, — lentement. Elles semblaient énormes auprès de cette chère petite poitrine. Elles frémissaient.

Le sourire se dessina plus vivant sur les