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les agents, fatigués d’attendre à l’affût, finiraient par regagner leur taudis.

Le marchef prit le plat où était la volaille froide. Il tâtonna pour trouver une table et mit tranquillement son couvert. Il s’assit devant un souper qui, certes, devait lui paraître confortable. Il avait découvert une couple de bonnes bouteilles de vin.

Si vous l’eussiez interrogé, il vous aurait répondu qu’il allait manger comme un ogre, vu que son déjeuner était dans la semelle de ses bottes.

Pourtant, à la première bouchée, son estomac se souleva, révolté.

Il voulut boire, et le vin lui sembla amer.

Une sorte d’épouvante le prit.

— Je suis malade ! dit-il en défilant une demi-douzaine de jurons. Crébleu ! j’ai pensé aux femmes. Je parie un franc, je parie cent sous qu’on va me coller l’épervier avant que j’aie tourné le coin de la Barillerie ! Les femmes, ça porte malheur.

Il mit sa tête entre ses mains, et vous l’eussiez entendu balbutier :

— Était-elle assez jolie, la coquine ! était-elle assez jolie, le jour où je fis sa fin !

Ses doigts se crispaient dans ses cheveux. Il eut comme un sanglot.

Il se leva brusquement et alla vers la fenêtre.

— Pleine lune ! pensa-t-il. Sur la grande route on irait gaiement ; mais il y a Paris, avant la grande route.

Une voix douce et plaintive s’éleva dans le silence, elle disait :

— Ysole ! où es-tu ? Notre père est-il ve-