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ces le redoutaient ; mais ce n’était pas un scélérat de naissance.

Coyatier, comme son sobriquet de marchef l’indiquait, avait appartenu à l’armée. Tout le commencement de sa carrière avait été excellent, presque brillant. Après deux campagnes où il s’était fait vingt fois remarquer par son intelligence et sa bravoure poussée jusqu’à la témérité, il avait atteint le grade de maréchal des logis chef ou de marchef comme le dit l’abréviation troupière, et déjà il était désigné pour l’épaulette, lorsqu’il devint amoureux d’une de ces folles et nuisibles créatures qui, sans être méchantes elles-mêmes, damnent les hommes et peuvent passer pour les plus puissantes machines propres à labourer le champ du mal.

Nous les voyons toutes passer dans la vie en souriant ; elles sont gaies, elles sont « drôles », pour employer le mot technique, elles nous amusent.

Nous ne leur donnons pas, à vrai dire, quand elles ne s’imposent pas à nous personnellement, beaucoup plus d’importance qu’à une levrette ou à un bouvreuil, et c’est justice, car elles n’ont ni cervelle, ni cœur, ni rien.

Mais si la statistique du crime était un jour établie au point de vue de ces joyeux petits animaux, la civilisation s’ébahirait, effrayée. C’est monstrueux.

Moi, j’ai regardé cela par passe-temps, n’étant pas un philosophe, et j’ai vu avec une certaine épouvante que les cinq sixièmes des abus de confiance, dans le commerce sur-