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» Car je lui dis, Monsieur le comte, l’entrevue de l’hospice Dubois. Elle vit la triste créature couchée sur son lit de douleur, la petite fille jouant près de la fenêtre, la religieuse froide et faisant le bien comme on accomplit une tâche ; elle vit le soldat, heureux et brillant, franchissant ce seuil morne ; elle l’entendit qui disait, croyant peut-être beaucoup dire :

» — Ma sœur, je suis le père de cet enfant. Si la pauvre femme mourait, je reconnaîtrais ma fille… »

— J’ai donc dit cela ! murmura le général.

» — Et j’ajoutai, poursuivit Thérèse, dont la voix avait d’étranges émotions, j’ajoutai, parlant à celle qui allait être votre femme : Mademoiselle, la mère entendit ces paroles si cruelles et si douces. Quelque chose se brisa au-dedans d’elle : quelque chose qui était le meilleur de son cœur, le lien, le lien sacré de la mère à l’enfant : l’ardent égoïsme de la passion maternelle ! La mère plana au-dessus des attaches mêmes de la nature ; elle déchira avec une angoisse pleine de délices tout ce qui était le charme de sa misérable vie ; elle se jugea nuisible au bien de sa fille ; elle se condamna comme étant un obstacle au bonheur de son idole, elle se tua… »

— Elle se tua ! répéta le général en frissonnant.

— Je parle moralement, dit Thérèse dont l’accent se voila. Il suffisait de la maladie, sans qu’il fût besoin de recourir au suicide…

« Monsieur le comte, votre fiancée m’écoutait en pleurant. Quand elle eut fini, elle me dit : Je paierai la dette de M. de Champmas,