Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais ?

» Quand Madeleine fut mère, elle eut pour la première fois la pensée de chercher le père de son enfant. Elle écrivit une lettre.

» Au moment de mettre l’adresse, elle se sentit défaillir.

» À M. Charles, capitaine de lanciers…

» Charles, qui ?…

» Elle déchira la lettre.

» Elle était alors à la ville et à l’hôpital.

» Il y avait beaucoup d’orgueil dans la tendresse de son pauvre père qui lui donnait trop. Son déshonneur tuait l’orgueil de son père.

» On l’avait chassée.

» Un jour elle se trouva seule dans la rue, avec son petit enfant sur ses bras. Elle ne savait pas beaucoup travailler, elle n’aurait pas osé mendier si près de son père. Dieu est bon.

» Voilà que passe un beau régiment, — des lanciers !

» Charles ! oh ! mon Charles !

» Madeleine faillit devenir folle de joie.

» Le beau capitaine avait gagné une grosse épaulette. Il rougit à la vue de Madeleine. Officiers et soldats se mirent à rire, et nul ne s’arrêta.

» Madeleine s’assit sur une pierre.

» Elle crut s’être trompée, car elle ne voulait pas même penser que Charles n’avait pas de cœur.

» Elle avait raison, quoiqu’elle ne se fût point trompée, Charles avait du cœur comme ils en ont.

» La nuit tombait, le pavé sonna sous le galop précipité d’un cheval.

» — Madeleine ! où es-tu, Madeleine ?