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bois revenaient à leur allure habituelle.

— C’est l’histoire d’une amie à moi, dit Thérèse après un silence, une vraie amie, ma seule amie : une paysanne comme moi, du même village que moi. J’ai peut-être été trop loin en annonçant qu’elle vous intéresserait, cette histoire, car vous êtes un militaire, et vous devez en savoir beaucoup de semblables.

« Elle s’appelait Madeleine. Elle était la fille d’un petit fermier qui ne roulait pas sur l’or, assurément, mais qui ne demandait rien à personne.

» Son père l’aimait bien. Il lui donnait trop.

» Elle avait de beaux yeux rieurs, une taille souple et forte, des cheveux qui auraient valu dix pistoles en foire… Ah ! on lui en offrit bien souvent trois ou quatre louis d’or ! Mais, pour argent ni or, elle n’eût vendu ses cheveux.

» À force de lui donner, son père l’avait rendue coquette.

» C’était ici ou là, qu’importe le nom du village ? Le général comte de Champmas ne connaît guère que le village dont il est le seigneur.

» Car, on a beau faire des révolutions, il y a toujours des seigneurs, et ceux qui passent riches et brillants dans un pauvre pays emportent toujours le bonheur des familles avec eux quand ils s’en vont.

» À la foire, les charlatans ne prennent que les cheveux qui sont à vendre. Les cœurs, c’est différent ; d’autres charlatans savent les voler de nuit, et il n’y a point de loi pour châtier ceux qui s’en vont avec l’honneur et le bonheur des maisons.