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primait une profonde émotion.

— Qu’est-ce que vous veniez demander à ce Gautron ? reprit-elle tout à coup.

— J’ai confiance en vous, Madame, dit le général. Ceux qui ont préparé mon évasion, en quelque sorte sans mon aveu, m’ont fait savoir que ce Gautron me donnerait les moyens de quitter Paris et la France.

— Voilà tout ?

— Voilà tout.

Thérèse réfléchit un instant.

— À cette table où vous appuyez votre coude, dit-elle brusquement, six inspecteurs de police déjeunent et dînent tous les jours.

Le général ne sourcilla pas.

— Oh ! reprit-elle en souriant avec tristesse, je sais bien que vous êtes brave ; c’est pour vous dire que vous pouvez rester ici longtemps.

Elle se leva et ouvrit son armoire, d’où elle retira un costume complet d’ouvrier aisé, plié avec un soin religieux.

— Je suis veuve, dit-elle, et j’aimais mon mari. Il le fallait bien ; il était si bon…, car il y a des hommes qui sont de nobles créatures, Monsieur le comte. Mettez cela, je vais tourner le dos pendant que vous vous habillerez.

Elle tendit les vêtements au général, qui la considérait attentivement, désormais, comme si un vague souvenir se fût réveillé en lui.

Elle alla s’asseoir à l’autre bout de la chambre, mais elle ajouta :

— Oui, oui, j’aimais bien mon mari ! pauvre cher homme.