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avec enthousiasme, avec folie. Il se damne à gagner des millions, lui qui ne saurait savourer le plaisir enfantin qu’on achète, pour un sou !

C’est le châtiment du roi Midas. Et comme Midas se vengerait du sort s’il pouvait acheter un cœur et faire le bien éperdument, ainsi que, naguère, il spéculait avec folie sur le mal.

Mais notre financier-vampire n’a pas de ces idées-là.

Quant au prince, il était dans le cas de Coyatier : sa journée n’était pas finie.

Le Père et lui se séparèrent à la porte même de la maison.

Le Père prit un modeste fiacre le long du quai et regagna son hôtel.

Le prince atteignit le coin de la rue Harlay-du-Palais, où une voiture stationnait. Il s’approcha de la portière qui s’ouvrit.

— C’est vous, Louis ? dit la voix altérée d’Ysole ; est-il donc arrivé malheur ?

— Non, répondit le prince, M. le comte de Champmas a passé par la rue de Nazareth. Dieu merci, aucun accident n’est survenu. Donnez-moi votre main, Ysole ; le général a déjà embrassé sa plus jeune fille, je vais lui rendre l’autre.

Ysole tendit sa main et sentit celle de son amant qui tremblait.

— Qu’avez-vous, Monseigneur ? demanda-t-elle. Vous me cachez quelque chose !

— Sur ma parole, répondit le prince d’une voix qu’il faisait grave à plaisir, vous n’avez rien à craindre pour ceux que vous aimez.

— Pour ceux que j’aime ! répéta Mlle de Champmas.