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Sous le règne de Louis-Philippe, les journaux railleurs avaient jeté beaucoup de discrédit sur la profession de philanthrope. Et il est de fait qu’on vit à cette époque des exemples assez curieux d’hypocrisie effrontée. Le mot philanthrope en était venu à être pris en mauvaise part : on l’appliquait presque comme une injure.

Mais le colonel restait en dehors et au-dessus de cette réaction. Personne n’eût osé soupçonner ou railler le colonel. Il vivait de rien ; à quoi lui eût servi de spéculer sur la part des pauvres ?

Sa fortune passait pour être immense. Tout un district de la Corse lui appartenait.

À lui tout seul, il relevait la philanthropie dégradée. Son existence était un noble modèle, offert à l’imitation des justes, et ceux qui citent volontiers les hémistiches célèbres ne manquaient pas de dire, en parlant de sa sereine vieillesse : « C’est le soir d’un beau jour ! »

Ceux-là, les faux apôtres, sont la ruine de tout ce qui est bon.

Je ne sais pas quel supplice serait à la hauteur de leur crime.

Ils donnent défiance au vulgaire pour longtemps, et quand viennent ensuite les vrais bienfaiteurs de l’humanité, le vulgaire, honteux d’avoir été pris pour dupe, se détourne d’eux avec défiance. Il doute, il raille, il calomnie.

Nous avons vu de nos jours une belle, une noble existence de philanthrope, car il ne faut pas craindre d’employer avec respect ces mots que le sarcasme myope essaya de déshonorer. L’histoire de cet homme utile et puissant pour le bien est écrite dans ses