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s’assirent autour de la table ; deux places restèrent vides, celle de M. Badoît et celle du voisin du no 8, Paul Labre, qu’on avait déjà appelé plusieurs fois.

En ce moment, et quoique le jour eût encore baissé sur le palier, on aurait pu voir quelque chose d’informe s’agiter dans le recoin, à droite de l’escalier ; dans le trou de gauche, le chat cessa de lustrer son museau et prit une attitude inquiète.

— Quoi ! dit une voix de ténor aigu, très enrouée, je ne peux pas en faire, moi, des matous, pas vrai ? Et M. Badoît ne me donnera rien pour avoir entendu cogner ici près ou plus loin, car du diable si je sais où on pioche. Il n’est pas monté un seul minet et j’ai besoin de mes vingt sous : Mêche, mon Andalouse, m’attend à Bobino avec toutes ces demoiselles ; faut que l’amour de maman Thérèse y passe ! Je me rangerai quelque jour, c’est dit ; mais jusqu’à ce que je m’aie rangé en grand, c’est encore l’âge du plaisir et de la folie !

Une forme humaine, grêle et dégingandée, sortit lentement du noir. Aux lueurs qui tombaient du jour de souffrance, on aurait pu distinguer des os pointus sous un bourgeron bleu déteint et une tête étroite, coiffée d’une énorme toison couleur de filasse.

Cela fit un pas et s’étira. C’était Clampin, dit Pistolet, jeune homme libre, mais non sans profession, puisqu’il travaillait pour M. Badoît, pour les gargotiers de la Cité et pour bien d’autres.

Le chat se renfonça sous les fagots ; il