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morra n’étaient que de rudes brigands, leur dogme avait déjà quelque chose de raffiné. Ils disaient, et c’était le seul commandement de leur catéchisme : PAYEZ LA LOI.

Payer la loi, c’était pour eux, se mettre sous la sauve-garde du droit romain qui n’a jamais cessé d’être en vigueur au-delà des Alpes et qui régit encore la France sous l’autorité du Code Napoléon.

Payer la loi, c’était se faire un bouclier de l’axiome vénérable : « Non bis in idem. » On ne peut pas punir deux coupables pour le même fait.

La loi tient ses comptes en partie double comme toute honnête personne qui a un doit et un avoir. Pour la loi, le problème se pose toujours ainsi, le lendemain du crime : — Doit X, l’inconnu, à tel meurtre ou à tel vol.

Il s’agit de dégager X, de mettre la main sur l’inconnu pour balancer la faute par le châtiment.

Le compte est alors réglé, le bilan a repris son solennel équilibre : on n’y peut plus revenir.

Payer la loi, c’était fournir un coupable à la justice pour chaque crime commis.

La justice avait son dû, et cela ne coûtait aux Habits-Noirs qu’un crime commis en plus. Tout le monde était content, sauf les morts.

Ceci étant dit ou rappelé, nous reprenons notre histoire.

Le vieil homme assis au fauteuil de la présidence s’appelait le colonel Bozzo. Il était le père à tous des Habits Noirs. Il avait été pendu à Naples.

L’homme assis sur le canapé était son ancien secrétaire, Toulonnais l’Amitié, un dé-