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dent cadrait merveilleusement avec le caractère de la réunion, ainsi que la présence de cette charmante dame, gracieusement appuyée au dossier du canapé.

Mais ces coquins de mots, précisément, amenèrent un sourire moqueur à toutes les lèvres, ce qui n’eût point manqué de dérouter les conjectures de l’intrus.

Le vieillard parut mécontent de ces sourires, mais pas trop. Il ajouta débonnairement :

— Mes enfants, il ne faut pas se fâcher ; j’ai toujours remarqué qu’il est bon de jouer la comédie même entre soi : cela entretient. On ne saurait mettre trop de soin aux petites choses. Les affaires sont les affaires. Du temps que j’avais le malheur de porter un déguisement, je couchais avec mon faux nez.

La belle dame montra ses dents perlées en un sourire de franche gaîté.

— Toi, Marguerite, reprit le vieil homme, tu es une effrontée, mais tu me comprends, et il n’y a peut-être que toi pour me bien comprendre, mon ange.

La belle dame hocha la tête et dit :

— Père, puisqu’il est bon de jouer la comédie, même en famille, pourquoi ne m’appelez-vous pas de mon nom de théâtre ?

— Très bien, Madame la comtesse de Clare ! Vous avez raison et vous irez loin, si votre comte ne vous écrase pas la tête d’un coup de talon, en route.

— Je suis là ! murmura l’homme du canapé.

— C’est juste, et tu es un rude coquin, Toulonnais, mon fils, dit le vieil homme, qui partagea un paternel sourire entre lui et la comtesse. Travaillez bien, amusez-vous